Low – Lullaby († Mimi Parker)

Ils ne sont pas si nombreux, les artistes à avoir fait l’objet de trois articles sur Bonnes Notes.

Low en fait partie, et c’est avec tristesse qu’on lui en consacre un quatrième et probablement dernier : Mimi Parker, cofondatrice, chanteuse et batteuse du groupe, s’est éteinte hier à 54 ans au terme d’un combat de deux ans contre le cancer.

Low était un trio de Duluth (Minnesota) composé du couple de mormons formé par Alan Sparhawk et Mimi Parker, et complété d’une succession de bassistes au fil des presque 30 ans de carrière du groupe.

Alan Sparhawk était à son corps défendant l’inventeur du slowcore, un style musical dont Low était un des seuls représentants, un rock depouillé et ralenti à l’extrême. Qui avait la patience de laisser venir à lui leurs notes parcimonieuses était récompensé par des moments de grâce suspendus.

Après plus de 20 ans de carrière et un virage vers des titres un peu plus lumineux, Low s’était reinventé dans des expérimentations électroniques aussi audacieuses que passionnantes. Bien que radicalement différent de leurs précieux premiers opus, on avait particulièrement aimé leur avant-dernier album Double negative, le dernier sorti avant que la maladie ne se déclare.

Pour accompagner Mimi Parker dans son sommeil malheureusement définitif, réécoutons la chanter la Lullaby extraite du premier album de Low We could live in hope et emblématique des débuts radicaux du groupe :

Articles précédents:

Oliver Sim – Hideous

Oliver Sim est le chanteur et bassiste de The XX. Il sort son premier album solo Hideous bastard, qui débute avec la chanson Hideous. Ce qui ressort d’emblée à l’écoute de ce titre, c’est que The XX, qui comporte également une chanteuse, n’avait pas forcément permis de révéler la facette crooner d’Oliver Sim qui sied très bien à sa voix.

La profondeur de son timbre est donc une première bonne raison d’écouter cette chanson. La deuxième bonne raison est qu’elle est l’occasion de réentendre une autre grande voix, cette fois resurgie du passé et aux antipodes d’un point de vue tessiture, puisqu’Oliver Sim y partage (trop brièvement et après 3’12 » d’attente) le micro avec Jimmy Somerville : mais si, souvenez-vous, dans les années 80, « run away turn away run away turn away run away », et « tell me whyyyyyyyyyyyyyyyyy »).

Bref, un titre qui s’avère être tout sauf hideous

Björk – Fossora

Quelle délicate attention de la part de Björk que de sortir son nouvel album Fossora le jour de mon anniversaire… Et quel album! On dérogera donc exceptionnellement (enfin, pas tant que ça) à la règle implicite de ce site qui veut qu’un article traite d’un morceau, tant il serait réducteur d’en isoler un pour représenter le tout : il faut écouter Fossora en entier pour en prendre toute la mesure. Comme Björk nous y a habitués depuis un certain temps, il ne faut pas s’attendre à trouver des titres tubesques dont on retient le refrain à la première écoute : c’est foisonnant d’expérimentation et de créativité. L’unité de l’album se fait néanmoins autour d’une thématique, comme souvent depuis quelques années chez Björk (ici : les champignons…), et sur une instrumentation : la présence marquée d’un instrument parfaitement inhabituel dans la pop électronique (si on peut ranger Björk dans un genre musical), à savoir la clarinette basse, supportée par d’autres instruments classiques (violon, flûte…) qui viennent se mêler aux sons électroniques et aux harmonies vocales. Le tout oscille entre choeurs mélancoliques, beats techno, cordes classiques plaintives et musique contemporaine atonale, formant néanmoins un tout cohérent. Un album audacieux, réussi, et très certainement une des sorties les plus marquantes de cette rentrée 2022.

Archive – Daytime Coma

Archive devait promouvoir la sortie de son dernier album Call to arms and angels, paru au printemps, par une tournée européenne à l’automne, qui devait passer notamment par Rennes.

Ayant commis l’erreur de passer notre tour lors de leur dernier passage dans la capitale bretonne pour les 25 ans du groupe, où ils avaient offert une prestation mémorable de presque 3 heures, on se réjouissait de leur retour.

Malheureusement, le concert a été remplacé par un… cancer : celui de Darius Keeler, une des deux éminences grises et fondateur du groupe. Les nouvelles semblent plutôt rassurantes, mais la tournée est reportée d’un an, le temps que Darius Keeler se rétablisse complètement.

Drôle de manière de célébrer le 200e article publié sur Bonnes Notes.

D’ici là on se consolera en écoutant un morceau… de bravoure de 14 minutes comme Archive en a le secret

Florent Marchet – De justesse

Je me posais déjà la question en 2013, je me la pose toujours : mais pourquoi Florent Marchet n’a-t-il jamais connu un succès à la hauteur d’un Benjamin Biolay, alors que le talent du Berruyer n’a rien à envier à celui du Caladois? Et surtout, qu’est-ce qu’un Berruyer et un Caladois?

Si Garden Party n’est peut-être pas le meilleur album de Florent Marchet (on lui préférera Courchevel par exemple), c’est le premier depuis longtemps, le chanteur s’étant surtout consacré à la musique à l’image ces dernières années. Et il contient néanmoins quelques très bon titres tels que Comme il est beau (sur les violences conjugales), Loin Montréal (sur le tiraillement entre accomplissement personnel et vie de famille) ou le single De justesse qui ouvre l’album… et conclut cet article :

Caterina Barbieri – Fantas

Résumé de l’article précédent : la française Hélène Vogelsinger a un nom à consonnance germanique qui la prédestinait à la musique (« oiseau chanteur ») et trifouille des synthés analogiques modulaires.

Une trifouilleuse de synthés analogiques modulaires en appelant une autre, voici Caterina Barbieri, qui a un nom à consonnance italienne (en même temps, elle l’est) qui la prédestinait à un BEP coiffure, et qui vit à Berlin, où tout le monde sait que Vogelsinger signifie « oiseau chanteur ».

Caterina Barbieri est-elle amatrice de boissons gazeuses à l’arôme approximatif d’agrumes? Toujours est-il qu’une de ses compositions s’intitule Fantas.

Hélène Vogelsinger – Reminiscence / Ceremony

Hélène Vogelsinger a un nom qui signifie « oiseau chanteur » si j’en crois mes souvenirs d’allemand du lycée. Mais elle est française.

Hélène Vogelsinger n’est pas extrêmement célèbre : par exemple, le nombre de ses fans sur Deezer s’élève à 0.01% du nombre de ceux de Stromae.

Hélène Vogelsinger aime brancher les câbles et triturer les boutons des synthés analogiques modulaires.

Hélène Vogelsinger aime le faire dans des lieux normalement privés d’électricité : bâtiment abandonné, forêt…

Hélène Vogelsinger fait des EPs (6 titres) qui sont parfois longs comme des LPs (48 minutes)

Hélène Vogelsinger nous enveloppe de ses textures vocales et des ses entrelacs d’arpèges, et nous emmène au loin…

Hania Rani – Buka

Contrairement à ce que son nom parfaitement prononçable pourrait laisser croire, Hania Rani est polonaise. Comme quoi, les clichés sur les Polonais dont les patronymes seraient essentiellement composés de lettres à 10 points chacune au scrabble, alors que R-A-N-I atteint péniblement un score de 4 malheureux points… Après vérification, il s’avère que c’est un pseudo, et que son vrai nom totalise un joli 38 points.

En plus d’être polonaise, Hania Rani est pianiste et un peu chanteuse. Elle a en commun avec l’auteur de ces lignes d’aimer d’autres pianistes comme Yann Tiersen, Agnes Obel, Nils Frahm ou Ólafur Arnalds (ce qui est l’occasion de constater avec une certaine surprise que ces deux derniers n’ont jamais fait l’objet d’une article sur ces pages : deux surprenantes omissions à réparer au plus tôt). Et force est de constater que ses goûts se retrouvent dans sa propre musique, à cela près qu’Hania Rani est peut-être plus virtuose que les références musicales qu’elle cite.

La vidéo live ci-dessous est calée sur le dernier titre, Buka, mais rien ne vous interdit bien sûr d’en écouter les 4 morceaux en intégralité en revenant au début.

Christian Löffler – Live at Barbican

Le musicien allemand Christian Löffler produit depuis une décennie une musique électronique plus posée et introspective que dancefloor. Les amateurs de Bonobo, Pantha du Prince ou Rone devraient apprécier les compositions peut-être un brin plus mélancoliques de cet artiste également peintre et photographe.

La sortie de cette vidéo d’un live à Londres est l’occasion de donner un aperçu de sa musique.

Birds on a wire – La marelle / El cant dels ocells

Si vous étiez en âge d’écouter de la musique il y a une quinzaine d’années, vous vous souvenez sans doute de Moriarty, groupe franco-américain qui connut son heure de gloire (avec la chanson Billy notamment) en dépit d’influences country peu propices à les propulser aux sommets des charts.

Depuis quelques années, sa chanteuse Rosemary Standley, dont l’identité vocale a contribué à populariser le groupe, mène un projet parallèle en duo avec Dom La Nena, chanteuse et violoncelliste brésilienne.

Les deux femmes s’adonnent exclusivement à la reprise de titres existants, piochant dans des répertoires divers et variés tout autour du globe et revisitant les titres dans un registre qu’on pourrait cataloguer d’acoustique et intimiste (elles ne sont que deux) tout en étant fort hétérogène, ce qui rend leur style difficile à catégoriser, tant il change d’une reprise à l’autre.

Ainsi, on passe allègrement d’une ritournelle naïve…

… à une atmosphère mystique qui n’est pas sans évoquer Dead Can Dance.

Bref, écouter un album de Birds on a wire, c’est un peu virevolter d’ambiance en ambiance et de pays en pays comme un oiseau migrateur se posant sur un fil aux quatre coins du monde.

Depeche Mode – Leave in silence

Après Tears for fears, c’est au tour d’un autre groupe encore plus emblématique de la synth pop des années 80 de revenir dans l’actualité, mais pour une raison plus funeste : la disparition d’Andy Fletcher. Si sa contribution à l’oeuvre de Depeche Mode aura été relativement insignifiante (ni auteur ni compositeur et assez piètre musicien), c’est par ses qualités de manager qu’il aura contribué, discrètement, au succès du groupe. Il est parti le 26 mai 2022.

Dans la discographie du groupe, la chanson « Leave in silence » semble avoir le titre le plus approprié pour honorer sa mémoire. Single pas des plus connus issu de leur second album, qui fut un disque de transition entre le départ de Vince Clarke et de ses compositions synthpop guillerettes (« Just can’t get enough ») et l’intégration d’Alan Wilder et de ses sonorités plus industrielles (« People are people », « Blasphemous rumors »…), « Leave in silence » est au milieu du gué : les sons restent encore un peu ceux de Vince Clarke, alors que la tonalité du morceau a déjà commencé à prendre le tour plus mélancolique des compositions de Martin Gore… même si le ridicule de l’abominable clip accompagnant la chanson donne envie de hurler de rire.

On s’abstiendra néanmoins de s’en gausser en de telles circonstances : un peu de respect pour le défunt, que diable…

Alice Glass – The Hunted

C’était il y a 10 ans déjà, presque jour pour jour, qu’on avait parlé sur ces pages de Crystal Castles, groupe canadien electropunk (faute d’un meilleur terme, et au moins par le look de sa chanteuse) au son immédiatement reconnaissable. Après avoir été saisi par les deux premiers albums de la formation, on avait un peu perdu de vue le duo formé par Ethan Kath et Alice Glass. Et pour cause : après un troisième album qui n’apportait pas de grande nouveauté, les deux protagonistes s’étaient eux-mêmes perdus de vue, Alice Glass s’étant retirée du projet. Après l’avoir rapidement remplacée par une autre chanteuse (changement à peine audible tant un des marqueurs du groupe est de déformer la voix à outrance), Kath avait continué d’exploiter le nom Crystal Castles le temps d’un quatrième album Amnesty, avant de disparaitre subitement du paysage. La raison : des accusations d’abus sexuel, physique et psychologique portées contre lui par Glass et qui auraient duré depuis leur rencontre (alors qu’elle avait 15 ans et lui 25) jusqu’à son départ du groupe, justement présenté comme un moyen de s’y soustraire.

La sortie d’un album solo d’Alice Glass est donc une surprise inespérée émanant d’un passé qu’on croyait révolu.

A quoi ressemble la musique d’Alice Glass lorsqu’elle en fait seule? A du Crystal Castles en un peu plus soft. Si on y retrouve l’ADN musical de son ancienne formation, une partie des titres sont moins jusqu’au boutistes. Les arrangements sont moins torturés, la voix moins traitée, donnant un tout presque plus pop, toutes proportions gardées.

L’album est intitulé Prey // IV. Sachant que les 3 albums auxquels elle a participé au sein de Crystal Castles s’appelaient Crystal Castles, II, et III, difficile de ne pas interpréter le titre de son album solo comme une référence à sa vie antérieure (personnelle et musicale) et une revendication de représenter la continuité du projet après l’explosion du duo, tout en en rappelant la cause.

Et force est de constater qu’avec sa voix saturée et ses riffs de synthé old school, un titre comme The hunted nous rappelle le bon vieux temps des titres puissants du Crystal Castles d’il y a 10 ans. On en redemande.

Tears for fears – The tipping point

Habiles utilisateurs des premiers synthétiseurs numériques (Fairlight, DX7…), mélodistes doués et bons chanteurs aux voix complémentaires, les Tears for Fears ont écrit quelques-un des plus gros tubes du milieu des années 80, Shout se rangeant au côtés des Such a shame de Talk Talk, Relax de Frankie Goes To Hollywood ou encore Smalltown boy de Bronski beat.

Après quelques virages stylistiques, un succès déclinant, un éclatement (puis une réconciliation) du groupe, ils étaient un peu sortis des radars depuis le milieu des années 90.

A l’aube de la soixantaine, Roland Orzabal et Curt Smith sont de retour avec un nouvel album. Si certains sons renvoient à une époque révolue, Tears for fears a quand même su un peu actualiser son style. Mais alors qu’un album tel que Songs from the big chair avait fait souffler un vent de nouveauté sur le paysage sonique de l’époque, il ne faut rien espérer d’inouï à l’écoute de The tipping point. C’est certes le cas de nombreuses productions, mais la barre est forcément placée plus haut quand on a commis un des albums pop majeurs des « mid-eighties ». Il n’en reste pas moins que le duo n’a perdu ni sa voix ni son sens de la mélodie, et c’est déjà bien suffisant pour rendre un titre tel que le single The tipping point, qui donne son nom à l’album, efficace et plaisant à écouter.

Sevdaliza – Raving dahlia

Étonnant personnage que Sevdaliza, tout en contrastes. Néerlandaise et iranienne, sportive et polyglotte de haut niveau (ancienne internationale de basket parlant couramment 5 langues), parcours universitaire (titulaire d’un master) et chanteuse/autrice/compositrice/productrice/réalisatrice autodidacte, physique à la fois masculin (grande, sourcils épais, nez saillant, mâchoire carrée) jouant parfois l’hyper-féminité (voix suave, chevelure jusqu’aux hanches, robes sexy et talons hauts -cf concert en bas de l’article-) tout en ayant une propension à maltraiter son apparence dans ses clips (androïde bardée de tubes dans le… tubesque Everything is everything,

femme-jument dans Human…),

et sur ses pochettes d’albums (œil au beurre noir sur la pochette de Shabrang, avatar exagérément retouché selon les canons des bimbos de télé-réalité sur celle de Raving dahlia)

Raving dahlia, justement : après deux albums et quelques EPs, Sevdaliza revient ce nouvel EP qui compte 6 titres. Musicalement, on cherchera les influences de cette diva tendance électro-pop du côté du Bristol des années 90 (Portishead, Massive Attack…) mais aussi de James Blake, voire de Björk… voire de plein d’autres selon les chansons.

Car s’il est une rare chose qu’on puisse reprocher à Sevdaliza, c’est peut-être un manque de style personnel sur le plan musical (l’artiste elle-même ne manque certainement pas de personnalité). Dans ce nouvel EP, System fait irrémédiablement penser au Teardrop de Massive Attack (le générique de Dr House), High alone n’est pas sans rappeler la dream pop des trop méconnus Daughter, Everything is everything utilise des recettes de la pop mainstream, se laissant aller à quelques vocalises autotunées sur fond de beats électroniques et montées de synthés, The great hope design est à l’inverse expérimental au possible, à l’image des productions les plus barrées de Björk, Human flow nous propose un genre de folk éthéré, le tout se clôturant par un remix épique et déjanté d’un titre issu de son second album Shabrang : l’entêtant Oh my god (ci-dessous dans sa version originale)

Abstraction faite de cette hétérogénéité, force est de constater que les titres sont toujours bien faits, le timbre est soyeux et la voix maîtrisée, les arrangements parfois audacieux (parfois moins) tout comme le sont les clips, nombreux et aux univers variés et très travaillés.

Finalement, c’est peut-être ça le style de Sevdaliza : être un peu tout et son contraire. Un riche et beau mélange au final.

A regarder également: le concert de Sevdaliza au Musée des Arts et Métiers capté par l’indispensable chaine Arte Concert.

Grimes – You’ll miss me when I’m not around

Assumons d’emblée le fait que la motivation première de ce post soit de relayer un potin mondain datant du printemps dernier et qui m’avait échappé. On se doutait bien qu’Elon Musk, le patron de SpaceX et Tesla intronisé hier « homme le plus riche du monde » aux dépends du patron d’Amazon, était plus « fantasque » (pour reprendre l’euphémise généralement accolé à son nom dans les médias) que Jeff Bezos, Tim Cook et Bill Gates réunis. Voire que Vincent Bolloré tout seul, c’est dire.

Impression confirmée par l’identité de sa compagne actuelle, qui n’est autre que Claire Boucher, alias Grimes, autrice/compositrice/chanteuse canadienne pour le moins barrée (cf l’article qui lui était consacré dans ces pages), mais surtout par le prénom dont ils ont affublé leur bébé auquel elle a donné naissance en mai 2020 : « X Æ A-Xii ». Ca ne s’invente pas (enfin, si, apparemment), l’éthymologie de ce prénom étant la suivante :

  • X : l’inconnue dans les équations mathématiques
  • Æ : la traduction de « AI » (Intelligence Artificielle) mais aussi de « Amour » dans la langue des elfes
  • A-Xii : le prénom initial se terminait par A-12 mais il a été refusé, la loi californienne interdisant les chiffres dans les prénoms. Le 12 a donc été retranscrit en chiffres romains. Et sinon, pourquoi A-12? Parce que le Lockheed A-12 (ancêtre du mythique Lockheed SR71 Blackbird) est leur avion préféré. Ce qui peut amener à se demander si les parents de Meghan Markle n’avaient pas un faible pour les voitures françaises…

Pour en revenir à l’actualité musicale, Grimes a sorti cette semaine un album intitulé Miss anthropocene (rave edition) constitué de remixes orientés dancefloor de son précédent album lui-même intitulé, je vous le donne en mille : Miss anthropocene. Les remixes sont signés d’un certain nombre de pointures électro telles que Plastikman ou Modselektor, mais à moins d’être à Lieuron (charmante bourgade d’Ille et Vilaine : son église, son cluster) un soir de réveillon, on lui préférera l’original.

Sorti en pleine grossesse (pour la chanteuse) et en plein confinement (pour le reste du monde), on appréciera au passage la démarche de Grimes pour le titre You’ll miss me when I’m not around : le clip est tourné sur fond vert, selon la technique permettant d’incruster les images dans un décor virtuel… et diffusé tel quel, accompagnée d’un kit créatif contenant notamment les pistes séparées de la chanson afin de permettre aux internautes enfermés chez eux de s’occuper à fabriquer leur propre clip et leur propre mix de sa chanson. Belle idée d’une artiste elle-même adepte du Do It Yourself…

Clip original :

Clip réalisé par un fan :

Prudence – Offenses

Je savais que je n’aurais pas dû : à l’occasion de la sortie de l’EP Be water de Prudence, j’ai commis l’imprudence (ah, ah) de réécouter le titre Offenses qui y figure, et comme il y a quelques mois lors de sa sortie en single, impossible ensuite de me le sortir de la tête pendant des jours. Il y a des chansons comme ça, qui s’emparent de vous (et pas forcément des autres) par surprise, sans qu’on sache exactement pourquoi.

Si vous ne connaissez peut-être pas Prudence, quelques titres seulement au compteur distillés depuis le début de l’année sans susciter d’émoi international, vous connaissez sans doute sa voix : celle de The Dø. Sous ce nom d’artiste se cache en effet le nouveau projet d’Olivia Merilahti, qui réapparait seule après six ans de silence discographique de son groupe.

La séparation du couple qu’elle formait à la ville avec son acolyte Dan Lévy pouvait laisser craindre la dislocation de leur projet musical commun, même si elle n’avait pas empêché leur troisième (et dernier à ce jour) album Shake Shook Shaken de voir le jour, et d’être récompensé aux Victoires de la musique. On se rassurait un peu en se disant qu’un autre duo, Dead Can Dance, avait fait l’essentiel de sa carrière après la séparation amoureuse de Lisa Gerrard et Brendan Perry (et en vivant à 20000 km l’un de l’autre) sans que cela n’affecte leur production musicale. Et ne parlons pas de Peter et Sloane, dont la carrière… non, n’en parlons pas.

Si The Dø n’est pas officiellement dissout, ce n’est visiblement pas à la préparation d’un nouvel album du groupe qu’a œuvré Olivia Merilahti ces dernier temps, volant désormais de ses propres ailes. L’écoute du premier single Never with U dévoilé au printemps laissait penser, à l’instar de l’inégale carrière solo de Lisa Gerrard, que le groupe valait plus que la somme de ses individualités. Pop électronique calibrée, assaisonnée d’un clip futuriste où elle apparaissait en super-héroïne d’un univers cyberpunk : certainement efficace, le titre manquait en revanche clairement du je-ne-sais-quoi qui faisait de The Dø le groupe de pop-rock français le plus intéressant depuis les Rita Mitsouko.

Entre temps est paru Offenses, dont le refrain est la première occasion d’entendre Olivia chanter en français. Si ses paroles aux accents mystiques (« J’abrège tes souffrances / pardonne moi mes offenses ») chantées dans un registre aigu rappelleraient presque Mylène Farmer, la formule voix féminine expressive posée sur une pop synthétique (plus dépouillée et mélancolique cette fois) évoque surtout l’excellent deuxième album Radiate de Jeanne Added, chanteuse dont le premier opus a été réalisé sous la houlette de… Dan Lévy, le monde est petit.

Tout en savourant le plaisir de retrouver le chant d’Olivia Merilahti (qui a gagné en maturité et en maîtrise) sur une chanson qui lui permet d’en exprimer la singularité, on attend de voir ce que le projet Prudence donnera sur la longueur d’un point de vue musical : plus dans le registre d’Offenses (illustrée d’un autre clip futuriste, ambiance Avatar cette fois), les deux autres titres de l’EP sont moins racoleurs et plus subtils que Never with U, mais le tout reste moins audacieux que ne le fut The Dø. Future will tell…

Ecouter sur Deezer

Darlingside – Ocean bed

Anecdote personnelle : la découverte d’un bon album ne tient parfois pas à grand chose… lI y a 18 mois, sur une plage peu fréquentée d’une île grecque des Cyclades, un retraité américain engage la conversation. Improbable coïncidence, il a vécu à Rennes dans sa jeunesse, ville d’où ces pages sont écrites.

Au cours de cet échange il mentionne qu’un de ses fils vit à Boston et joue dans un groupe du nom de Darlingside.

Un an et demi plus tard, et probablement parce que j’avais tapé le nom dudit groupe à l’époque dans le moteur de recherche de Deezer (qui rime avec Big Brother), le site de streaming me signale la sortie de leur nouvel album… qui s’avère d’excellente facture.

La formule magique de Darlingside est la suivante : folk + harmonies vocales, ou quand Sufjan Stevens invite les Beach Boys en featuring.

Après l’annonce du changement prochain de locataire à la Maison Blanche (si tout va bien, car il résulte de FRAUDES ELECTORALES MASSIVES orchestrées depuis leur cercueil par des leaders COMMUNISTES ETRANGERS et de FAKE NEWS concernant l’existence d’un SOI-DISANT virus qui circulerait dans le pays), on se prend donc à penser qu’une BONNE NOUVELLE des Etats-Unis n’arrive jamais SEULE…

Et on remercie donc Darlingside de contribuer à MAKE AMERICA GREAT AGAIN sur le plan musical par la grâce de leur chansons enchanteresses, telle Ocean bed qu’ils interprètent ici dans le strict respect des gestes barrières…

…et qui est extraite de leur nouvel album Fish pond fish disponible entres autres sur Deezer ou Youtube.

Sigur rós – Odin’s raven magic

Voilà une bonne nouvelle qui mérite un nouvel article dans ces pages après une longue pause… Une bonne nouvelle qui vient de loin: c’était il y a 16 ans, et après avoir vainement espéré pendant longtemps, j’avais fini par cesser d’y croire. De croire au fait que j’aurais l’occasion de réentendre Odin’s raven magic autrement que sur un bootleg au son approximatif.

Odin’s raven magic est une pièce orchestrale et vocale en 7 actes, fruit de la collaboration entre Sigur Rós, Hilmar Örn Hilmarsson et Steindór Andersen. Elle n’a été jouée qu’à quelques reprises : lors de sa création à Londres en 2002, puis à la Villette en 2004. J’y étais, et j’avais à l’époque pris bonne note que le concert faisait l’objet d’une captation en vue d’une hypothétique sortie en CD ou DVD. Puis plus rien… jusqu’à cette épidémie de Covid 19, qui cantonne les musiciens chez eux, privés de l’activité et des revenus des concerts. Faut-il y voir une coïncidence? C’est juste à ce moment-là que Sigur rós (ou son label?), en farfouillant dans ses cartons pour tuer le temps, tombe sur cet inédit et décide de le sortir: s’il fallait trouver un bénéfice à cette pandémie, en voici un…

Disons-le tout de suite, Odin’s raven Magic n’est pas un concert/album de Sigur Rós au sens classique du terme, puisqu’il fait la part belle à d’autres artistes. C’est donc une œuvre chorale… pour chorale, orchestre et groupe de post-rock. N’espérez pas trop vous y délecter de la voix de tête céleste de Jonsi : il n’y chante qu’avec parcimonie, laissant souvent les parties vocales solistes à la voix de baryton de Steindor Andersen. Il n’en reste pas moins qu’avec son orchestre, son chœur, son marimba géant à lames de pierre et son Sigur Rós (quand même), ce concert fut des plus mémorables et c’est donc avec joie que je peux enfin vous le faire vivre… en virtuel comme il se doit en cette période.

Trois des sept actes d’Odin’s raven magic sont disponibles en vidéo dans cette playlist. Le concert complet sort aujourd’hui en CD.

Hommage à Mark Hollis

N’ayant rien sorti depuis plus de vingt ans, l’espoir s’amenuisait… Mais désormais, c’est sûr : sauf hautement improbable sortie posthume, nous n’entendrons plus jamais de nouveau titre de Mark Hollis. Et c’est infiniment triste.

Mark Hollis : ce nom ne vous dit peut-être pas grand chose, mais tout le monde connait (mal) sa musique. Mark Hollis, c’est la voix si caractéristique (et la silhouette aux oreilles décollées) de Talk Talk. Et Talk Talk, ce sont au moins deux tubes planétaires : It’s my life, et Such a shame.

Des tubes honorables qui ont traversé les décennies, à l’instar (voire mieux que) d’autres tubes de la même époque d’autres groupes également dissous depuis longtemps (le Smalltown boy de Bronski Beat, le Relax de Frankie Goes to Hollywood, le Shout de Tears for Fears, le Don’t go de Yazoo, etc.), mais qui sont loin de représenter l’essence du travail de ce musicien génial mais discret.

Car ce qui différencie Talk Talk des autres groupes de synth pop des années 80, c’est qu’il n’en était pas un, comme la suite plus méconnue de la discographie du groupe et de son leader le prouvera. Après l’énorme succès de ses premiers singles, le groupe a toute liberté. Et Mark Hollis ne se prive pas d’en profiter, s’éloignant progressivement des sentiers battus (et des charts) pour livrer une musique de plus en plus expérimentale et fascinante, au grand dam de sa maison de disque qui finira par le mettre à la porte.

Pourtant, ce sont bien les deux derniers des cinq albums du groupe, intitulés respectivement Spirit of Eden et Laughing stock et passés sous les radars des hit parades au moment de leur sortie, qui poseront sans en avoir l’air les fondements du post-rock et forgeront la légende de Talk Talk, faisant de Mark Hollis une figure influente et respectée par de nombreux artistes tels que Sigur Ros, James Blake, Radiohead ou Alain Bashung.

En effet, au fil du temps et des albums, Mark Hollis délaisse l’électronique des synthétiseurs et des boite à rythmes programmées pour aller vers une musique plus acoustique et spontanée, empruntant autant au jazz et à la musique contemporaine qu’à la pop ou au rock. Le groupe enregistre des heures d’improvisations qu’Hollis décortique, déconstruit puis réassemble. Une méthode de travail reprise à la fin des années 90 par Jason Swinscoe et son Cinematic Orchestra, dont le premier album Motion peut d’ailleurs s’inscrire dans une sorte de continuité de la discographie de Talk Talk.

Mais surtout, Mark Hollis dépouille sa musique, dans une épure qui trouvera son apogée avec l’unique album solo du chanteur, sorti en 1998 avant que le musicien ne se retire du monde de la musique pour se consacrer à sa famille. Un magnifique album contemplatif, fait de longues plages musicales sur certaines desquelles Mark Hollis pose sa voix au timbre unique et si expressif, et dont les arrangements parcimonieux donnent à chaque note le temps d’exister et d’être écoutée.

Hier, Mark Hollis a rejoint le silence qui habitait ses derniers morceaux, et on se dit que vraiment, it’s a shame.