Philip Glass – Opening (album : Glassworks)

Bon point argentLors du concert de Locus Solus Orchestra dont fait partie Manu Delago à qui j’ai récemment consacré un article, on a pu entendre une version réarrangée de l’Opening de l’album Glassworks de Philip Glass (à moins que ce n’ait été de Closing, les deux titres partageant le même thème)

Les amateurs de la BO du film La leçon de piano seront en terrain connu avec ce titre, ce qui n’a rien de très étonnant, Philip Glass et Michael Nyman (le compositeur de la BO) étant plus ou moins issus du même courant musical : la musique minimaliste américaine.

Dans les deux cas, il s’agit d’une pièce pour piano à la rythmique simple et répétitive, sans réelle mélodie… et pourtant tellement émouvante.

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Zend Avesta (Arnaud Rebotini) – One of these days

Bon point argentGodforsaken roads, second album du groupe Black Strobe, est sorti le 6 octobre. Black Strobe est un groupe au style hybride, qu’on pourrait qualifier d’électro-blues, et que je goûte avec modération. Disons que n’ayant pas du tout aimé leur premier album, j’ai néanmoins été agréablement surpris par le second qui, aussi intéressant qu’il soit dans sa manière de croiser les styles, ne reste pas forcément ma tasse de thé. Et si ce n’est pas du thé, mieux vaut consommer avec modération, nous dit le Ministère de la Santé. Alors pourquoi en parler? Car derrière Black Strobe se cache Arnaud Rebotini, et que cette actualité est un bon prétexte pour évoquer ce grand bonhomme (au sens propre comme au figuré) à la curiosité musicale insatiable. Outre Black Strobe, Arnaud Rebotini officie en son nom propre, sous lequel il livre d’intéressants morceaux électro enregistrés grâce à sa collection de synthés vinage, ainsi que sous le nom de Zend Avesta, pseudonyme sous lequel il a commis en 2000 un magistral (et malheureusement unique) album qui lui vaut mon estime éternelle : Organique.

Classé dans le rayon « musiques électroniques », Organique, comme son nom l’indique, n’est pourtant que très peu synthétique : pas d’ordinateur, beaucoup d’instruments classiques… C’est surtout un album très audacieux, à la frontière entre pop et musique contemporaine (John Adams, Steve Reich, Karlheinz Stockausen), et on ne voit guère que l’immense et regretté Alain Bashung, avec son album L’imprudence, pour avoir réalisé un tel mélange avec autant d’ambition et de réussite. Autre point commun entre ces deux albums : Bashung justement, qui apparait également sur Organique, posant sa voix sur le titre Mortel battement / Nocturne.

Il semble que la réalisation d’Organique ait été rendue très compliquée par le décalage entre l’ambition du projet et son budget, ce qui peut expliquer que l’expérience Zend Avesta en soit malheureusement restée là, interrompue à la faveur d’un retour aux musiques plus synthétiques (ou mâtinées de rock chez Black Strobe). Dans l’actualité musicale d’Arnaud Rebotini figure néanmoins la BO du film Eastern Boys, dans laquelle quelques titres renouent avec le style Zend Avesta : faut-il y voir une raison d’espérer? Arnaud, si tu nous lis…

En attendant ce très hypothétique retour du plus talentueux des alter-egos d’Arnaud Rebotini, écoutons One of these days, chanson extraite d’Organique sur laquelle l’ex-chanteuse de Gus Gus, Hafdis Huld, vient poser sa voix douce sur des arrangements qui ne sont pas sans rappeler des pièces de Steve Reich telles que Eight lines.

 

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Steve Reich – Piano phase

Piano phase est une œuvre emblématique de la musique contemporaine minimaliste. Composée en 1967, elle fait partie des premières pièces de Steve Reich reposant sur le principe du phasing élaboré par le compositeur américain. Le concept est de composer une œuvre à partir d’un matériau de base minimal, à savoir un court motif de quelques notes répété simultanément par deux instruments. En faisant varier le décalage temporel entre les deux instruments (ceux-ci jouent le motif à l’unison, décalé d’une double croche, puis de deux, et ainsi de suite), Reich découvre que la superposition de ces mélodies jouées en décalé permet de faire émerger de nouvelles mélodies. Ces œuvres de jeunesse de Steve Reich sont assez expérimentales, mais très intéressantes conceptuellement (pour des informations plus détaillées sur la structure de la pièce, se reporter à la page Wikipedia, très documentée). Elles sont également assez difficiles à exécuter, car les deux instrumentistes doivent se décaler progressivement l’un par rapport à l’autre, en jouant à un tempo très légèrement différent. En 2004, en présence de Steve Reich, un pianiste nommé Rob Kovacs interprète pour la première fois Piano Phase seul, en jouant d’un piano de la main gauche et de l’autre de la main droite, ce qui constitue en soi une performance : s’il n’est déjà pas simple pour deux pianistes de jouer simultanément à un tempo très légèrement différent, il l’est encore moins pour les deux mains d’un pianiste…

Note: pour être plus précis sur le mécanisme du phasing : après un départ à l’unison, le deuxième pianiste (ou la deuxième main du pianiste…) va accélérer le motif de départ jusqu’à prendre une double croche d’avance sur le premier, rester un moment au même rythme que le premier pianiste, puis accélérer de nouveau jusqu’à prendre une nouvelle double croche d’avance, et ainsi de suite jusqu’à arriver à un décalage du motif complet, donc à revenir à l’unison. Les phases d’accélération sont un peu fouillis, mais de chaque phase décalée stable émane un nouveau motif mélodique qui semble différent des précédents, alors qu’il est en fait composé de la superposition du même motif de base. C’est la magie de cette pièce.

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Moondog – Marimba Mondo (2)

Il passait ces derniers temps une publicité (stupide) pour une voiture dont on n’aurait pas besoin de savoir où sont les clés (à part qu’il faut quand même les avoir sur soi pour que la voiture s’ouvre, et quand on sait qu’on les a sur soi, on n’est plus très loin de savoir où elles sont, d’où le qualificatif de stupide). Bref, il se trouve que cette pub (stupide, l’ai-je précisé?) utilise une musique de Moondog, ce qui est l’occasion d’écrire un article sur cet artiste hors du commun.

Peu connu du grand public, Louis Thomas Hardin, alias Moondog, était en effet un personnage assez incroyable. Aveugle depuis l’âge de 13 ans, il vécut dans la rue une grande partie de sa vie, tout en enregistrant des disques… D’un point de vue musical, il fut en même temps un grand spécialiste du contrepoint, technique d’écriture musicale classique élaborée vers 1700, et un artiste d’avant-garde à de nombreux points de vues. Cependant, ses tenues vestimentaires (il s’habillait en tenue de roi viking…) et son mode de vie (il dormait dans la rue, notamment afin d’économiser de l’argent pour pouvoir payer la transcription de ses partitions écrites en braille) le tinrent éloigné des milieux académiques de la musique classique et contemporaine.

Moondog jouait dans la rue (il « habitait » sur la 6e avenue à New York) avec des instruments qu’il avait créés, tout en enregistrant régulièrement des albums, parfois avec un orchestre symphonique.

Même si les grandes figures de la musique contemporaine minimaliste sont principalement Steve Reich et Philip Glass, il fut un peu un précurseur de ce mouvement musical, aux dires mêmes des deux intéressés (le second ayant même hébergé Moondog quelques mois)

Moondog fut également un des premiers à utiliser la technique du re-recording (se ré-enregistrer par dessus un enregistrement précédent et ainsi empiler des couches…) aujourd’hui largement utilisée.

Il fut très prolifique (il aurait notamment écrit 80 symphonies) bien que toute son œuvre n’ait pas été publiée. Il a également écrit une pièce de 9 heures pour 1000 musiciens, qui ne fut jamais jouée, faute de moyens…

Pour l’anecdote, on notera aussi qu’il fut invité aux Transmusicales de Rennes en 1988, et que son concert fut un véritable fiasco par la faute des musiciens de l’Orchestre de la ville de Rennes (cf article ouest-france)

Moondog s’est éteint 1999 à l’âge de 83 ans, en Allemagne, pays dans lequel il était allé donner deux concerts en 1974… et dont il ne revint jamais (tant et si bien qu’on le crut un moment mort à New York), se trouvant mieux en Europe qu’aux Etats-Unis.

Biographie plus détaillée ici

Toute son oeuvre n’est pas forcément extrêmement accessible. Voici donc un morceau de la fin de sa vie (1992), qui ressemble beaucoup à certaines oeuvres de Steve Reich, notamment par l’utilisation des marimbas.

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